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Confidence: « La prostitution me fait vivre »

Si vous me croisez dans la rue, vous ne pourriez imaginer ce que je fais souvent de mon temps libre. Je m’habille normalement et j’ai la main légère sur le maquillage. Pourtant, je couche avec des hommes pour de l’argent. Soyons d’accord, ça n’a jamais été ma vocation et encore aujourd’hui, si je pouvais, je m’en passerais bien volontiers. C’est par désespoir que j’en suis arrivée à vendre mon corps.

Jusqu’à l’année dernière, je menais une vie «normale». Le salaire de mon mari et le mien nous permettaient de vivre convenablement avec nos trois fils. Bien sûr, on se serrait la ceinture à chaque fin de mois mais nous avions l’essentiel. Et puis, le 9 mai  2014, mon mari est décédé dans un accident de voiture.

Les factures s’accumulaient, mon salaire médiocre ne suffisait plus, je croulais sous les lettres de ma banque. Je n’osais même plus relever le courrier de peur d’en trouver d’autres dans la boîte aux lettres. Alors, j’ai commencé par demander de l’aide autour de moi, en commençant par ma famille. J’ai réussi à rassembler 500 000 F CFA  , assez pour payer le loyer et quelques factures. De ma belle-famille je n’ai obtenu que des insultes et des reproches.

J’ai également pensé à faire des ménages mais ce n’était pas possible avec mes horaires de travail, alors je me suis souvenue de ce que m’avait raconté un jour une collègue. Si certaines femmes réussissaient à se mettre plus de 300 dinars dans la poche en une seule soirée, pourquoi pas moi? Cet argent me permettrait de payer mes dettes et d’offrir une vie meilleure à mes enfants…

Sans trop réfléchir, j’ai emprunté à une amie une belle paire de talons hauts et une robe juste assez classe pour accrocher le regard sans rien dévoiler. Légèrement maquillée et le visage orné de ravissantes boucles d’oreilles, j’étais prête à passer la soirée dans ce bar très connu pour son côté «et plus si affinités».

J’étais plus angoissée que jamais, je savais qu’en y allant je franchirais pour de bon le point de non-retour. Un coup d’œil sur ma dizaine de factures et j’ai refermé derrière moi la porte de la maison.

Perchée sur une chaise haute du comptoir, je tremblais et fumais comme un pompier en attendant le premier homme qui viendrait à ma rencontre. Vingt minutes et presque un paquet de cigarettes plus tard, celui-ci venait m’accoster. C’était plus facile que ce que j’imaginais. Je vous épargne les détails, nous avons eu un bon contact.

Ma première fois s’est bien passée, malgré mon appréhension. Ce n’était pas un pervers aux fantasmes inavouables, il ne m’a rien demandé de bizarre. Au moment de partir, il m’a dit qu’il voulait me revoir, alors nous avons échangé nos numéros et convenus d’un rendez-vous la semaine suivante. Cette nuit-là, je suis rentrée chez moi sans me reconnaître et c’est seulement en me voyant dans le miroir que j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Puis j’ai pensé à tout cet argent que je devais à la banque et à ma famille. Ce soir-là, j’avais «gagné»  50.000.

Au fil des temps, cette activité est devenue presque une routine. Mon appréhension s’était peu à peu estompée, même s’il restait une certaine déception pour ne pas dire un dégoût de moi-même. J’étais le genre de fille qui avait patiemment attendu le mariage pour perdre ma virginité, celle qui ne pensait même pas à la possibilité de coucher avec homme juste pour une nuit. Et pourtant, j’étais devenue une prostituée. Aucun de mes clients ne m’a jamais traitée comme telle. Nous ne passons pas notre temps au lit, loin de là. Ce sont des personnes solitaires qui me paient pour un peu d’affection. Il arrive même qu’ils m’invitent au restaurant.

Je n’essaie pas de faire l’apologie de la prostitution, je ne suis pas fière de ce que je fais, c’est d’ailleurs pour ça que je n’en ai jamais parlé à personne. Certains pensent qu’on a toujours le choix, et c’est peut-être vrai, mais quand je me suis mise à échanger mon corps contre de l’argent, ça m’a semblé être la seule solution.

Je ne juge pas les personnes dans mon cas. On fait ce qu’on peut pour vivre. Beaucoup disent qu’elles ne s’abaisseront jamais à descendre aussi bas, et j’espère pour elles qu’elles n’auront jamais à le faire. Mais quand je vois les difficultés des femmes à trouver un travail aujourd’hui, l’explosion de la pauvreté, la manière dont la justice traite les veuves, je me dis que finalement, on n’est jamais sûr de rien.

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