Ces trois jeunes femmes divertissent les Maliens en racontant leur train de vie dispendieux sur les réseaux sociaux. Leur notoriété dépasse désormais les frontières du pays.
Échanges passionnés dans un salon de coiffure du quartier de Sogoniko, à Bamako. L’une des clientes a les yeux rivés sur son smartphone, où elle examine les dernières stories du réseau social Snapchat. Soudain, cette Parisienne de passage dans la capitale malienne s’esclaffe : « Moussou va organiser un bal masqué ! » La gérante du salon s’agace : « Mais c’est quoi ça encore ? En quoi ces filles aident-elles le Mali avec leurs bêtises ? D’où vient leur argent ? » « Moi, elles me font bien rire », rétorque l’une des coiffeuses.
Au cœur de cette discussion, les sœurs Sora : Diaba, 35 ans, Moussou, 32 ans, et Koudeidja, 22 ans. L’exposition permanente de leur train de vie opulent sur les réseaux sociaux leur vaut le surnom de sœurs Kardashian du Mali, et cela, bien au-delà des frontières de leur pays natal.
Une e-réputation transnationale
En moins de trois ans, ces jet-setteuses, portées sur le faste et le voyeurisme tous azimuts, se sont ainsi constitué une large communauté de spectateurs virtuels à l’affût de leurs moindres faits et gestes, pour peu qu’ils aient un smartphone connecté à internet.
« L’an dernier, quand je suis allée à Dakar et que j’ai dit que j’étais malienne, on m’a répondu que je venais du pays de Diaba et Moussou Sora », hallucine encore Aïssata, une jeune Bamakoise de 21 ans.
Sur les traces des soeurs Kardashian
Aujourd’hui, elles ont dans l’idée de monter une agence d’événementiel et, surtout, une application mobile consacrée au lifestyle et à la mode. Une pluralité d’entreprises à l’image, justement, de leurs idoles, les sœurs Kardashian, dont l’empire doit beaucoup à la téléréalité et… aux réseaux sociaux.
Mais quand on les interroge sur la source de leurs revenus, elles bottent en touche. Face à notre insistance, Moussou finit par lâcher, laconique : « Je suis divorcée, et disons que mon mari était riche. Nous avons un enfant ensemble. » Ces jeunes femmes seraient-elles entretenues par d’ex- ou d’actuels conjoints au portefeuille bien garni ? En ce qui concerne Koudeidja, la réponse est limpide. À 22 ans, elle espère se lancer dans le stylisme et « [son] mari lui apporte toute son aide ».
On n’a pas demandé à avoir autant de fans, ça nous est tombé dessus », exprime Koudeidja
À y regarder de près, force est de constater que leur « succès » ne repose pas sur grand-chose – si ce n’est qu’elles sont les vedettes d’un divertissement permanent qui amuse autant qu’il irrite. « On n’a pas demandé à avoir autant de fans, ça nous est tombé dessus », souffle soudainement Koudeidja, jusqu’ici peu loquace, d’une voix à peine audible. « Et puis nous ne sommes pas seulement célèbres à Bamako », reprend Moussou.
Une popularité démesurée
Le 18 juillet, l’émission C’Midi de la chaîne ivoirienne RTI leur consacrait une chronique, les présentant comme « les Kardashian du Mali, expertes du bling-bling ». « Quand tu les suis sur Instagram ou Snapchat, tu te dis, mon Dieu, qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter une vie aussi pathétique ! » concluait la chroniqueuse.
Grâce à notre présence sur les réseaux sociaux, les gens commencent à s’intéresser à notre pays et oublient le terrorisme », lance Moussou
Mais cette dernière n’exagérait-elle pas un brin ? « Non ! répond catégoriquement Moussou Sora. Quand j’ai fêté mes 32 ans au Radisson Blu Hotel, le 14 juillet, 300 personnes étaient présentes. » L’événement a fait grand bruit à Bamako, au point d’alimenter les gazettes. Les sœurs racontent avoir été approchées par des chaînes maliennes mais aussi par la 2STV, au Sénégal, pour le lancement de leur propre programme de téléréalité. Propositions qu’elles ont déclinées.
Redonner du souffle à Bamako
Cette surprenante notoriété leur vaut aussi quelques rumeurs rocambolesques : un ministre sénégalais aurait proposé à Diaba 1 million de F CFA afin de s’attirer ses faveurs, Moussou aurait été arrêtée à Dakar pour trafic de drogue… Mais le clan Sora fait fi des critiques et de ce qu’il assimile à des ragots, parfois relayés par des médias du pays.
Si tu n’aimes pas mon lifestyle, don’t follow me!
« On ne peut pas encore apporter de diamants au Mali, mais grâce à notre présence sur les réseaux sociaux, les gens commencent à s’intéresser à notre pays et oublient le terrorisme. Un jour, un Ivoirien m’a demandé ce que je faisais au Mali, un pays de poussière, où il n’y a rien. Mais c’est faux ! C’est mon pays, et j’en suis fière.
Aujourd’hui, beaucoup de jeunes Maliens fortunés préfèrent aller faire la fête à Dakar ou à Abidjan. Il faut changer la donne. C’est pour faire bouger Bamako que nous montons des événements, explique encore Moussou. Les gens nous jugent, mais nous n’offensons personne. Si tu n’aimes pas mon lifestyle, don’t follow me! »
Tel est le credo des Sora, désormais ambassadrices du Mali en Afrique de l’Ouest. Mais avant de lever le camp, Moussou a une dernière requête : « On peut faire un snap ? »
Poupées de luxe 2.0 : de Biscuit de Mer à Sonya Pembe
Les sœurs Sora ne sont pas les seules jet-setteuses à occuper le terrain des réseaux sociaux. Au Mali, la fratrie se frotte à la concurrence de Dede Poulo.
Aussi présente sur Snapchat, cette dernière comptabilise plus de 60 000 followers sur Instagram et près de 35 000 abonnés à son compte Facebook personnel. Mais celle qui fait véritablement de l’ombre aux sœurs Sora s’appelle Biscuit de Mer, Coco Emilia de son (vrai ?) nom, originaire du Cameroun.
Leurs followers respectifs se délectent allègrement de leurs nombreuses prises de bec (qui tournent parfois à l’insulte via réseau social interposé). Biscuit de Mer, qui se dit influenceuse, compte 210 000 abonnés sur Instagram et 38 000 sur sa page Facebook publique. En RD Congo, c’est Sonya, 16 ans, l’une des benjamines de la fameuse famille Pembe, aussi appelée « les Kardashian congolais », qui attire l’attention avec 30 000 abonnés sur Instagram. Sa grande sœur, Mareva Pembe, 27 ans, blogueuse mode de son état, compte plus de 11 000 abonnés sur Facebook.
Source: jeuneafrique.com
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