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AMY SARR FALL : « L’AFRIQUE NE SE FERA PAS SANS SA JEUNESSE »

Amy Sarr Fall, consultante sénégalaise et directrice générale du groupe Intelligences presse et présidente du club Intelligences citoyennes, a fait de la promotion du leadership au féminin et de l’éducation des jeunes son fer de lance. Retour sur un parcours d’exception mêlant business et social.
Militante pour le développement du leadership au féminin et pour l’éducation des jeunes en Afrique, cette consultante en communication internationale est également l’une des rares patronnes de presse en Afrique. A la tête d’Intelligences magazine, une publication mensuelle qu’elle a montée seule en 2009, Amy Sarr Fall, 32 ans, peut aujourd’hui se targuer d’être aux commandes d’un vrai groupe de presse incluant un site d’information, un magazine féminin, un mensuel d’information générale et une agence de communication, Mondialcom. Et d’être entourée d’une vingtaine d’employés.
Cette self-made woman au CV impressionnant a été élue femme entrepreneur de l’année 2016 par Air Maroc. Elle compte parmi ses références, Publicis, l’un des plus grands groupes de communication européen, le New York Times… Mais aussi des rencontres d’exception comme le Dalaï Lama ou Barack Obama – deux mentors qui ont nourri son appétence pour l’entrepreneuriat social.
Entretien fleuve avec celle pour qui tout a commencé de l’autre côté de l’Atlantique avec son blog citoyen. Et qui nous fera l’honneur d’être présente au forum Les Héroïnes organisé par Into The Chic et Jeune Afrique Media Group le 18 novembre prochain à Dakar.

En 2007, vous rencontrez Barack Obama, alors en course pour les présidentielles. En quoi cette rencontre a-t-elle été déterminante dans votre parcours ?
Je l’ai rencontré lors d’une conférence qui se tenait à New York. J’ai été immédiatement inspirée par son discours, notamment sur le rôle que la jeunesse devait jouer pour parvenir à changer les mentalités et développer les sociétés. J’avais déjà envie de contribuer au développement de l’Afrique, mais en entendant Barack Obama, j’ai eu un déclic. Il a été soutenu par le dynamisme de la jeunesse américaine, qui s’est mobilisée pour le faire élire.
C’est à ce moment-là que j’ai compris la force de la jeunesse. Laquelle est au centre de mes activités. J’ai plus d’un million de personnes qui me suivent, et parmi elles, ce sont majoritairement des jeunes. J’ai toujours eu la conviction que l’Afrique ne se fera pas sans sa jeunesse.

Votre éveil citoyen s’est cristallisé à cette époque et vous a conduit à lancer le blog citoyen World for Obama. Que reste-il de la blogueuse d’autrefois ?
Beaucoup de passion pour l’Afrique. En étant témoin de l’élection du premier président noir en Occident, je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas de barrière entre les gens, que la couleur de peau ne devait pas définir nos rapports avec les autres, et qu’il y avait des valeurs communes à tous. J’ai conservé cet engagement à me rapprocher des communautés, des cultures, et à mettre en avant le statut de citoyen du monde.
Il me reste, bien sûr, cette présence sur les réseaux sociaux. Je suis proactive. Je partage mes activités sur Facebook, j’ai un site web… Aujourd’hui, il est important de communiquer sur Internet, pour fédérer les communautés, mobiliser la jeunesse. Surtout en Afrique où il y encore beaucoup de division au niveau des dirigeants. On est inscrit dans une sorte de concurrence alors qu’on doit réunir nos forces, être complémentaires pour participer au développement. J’essaie modestement de contribuer à cette unité de l’Afrique.
De quelle manière cet engagement pour la jeunesse se concrétise-t-il sur le terrain ? Faites-vous en sorte de créer un trait d’union entre l’Afrique francophone et anglophone ?
Je m’adresse à la jeunesse du monde, malgré une résonance particulière en Afrique francophone. J’ai récemment été invitée par des jeunes de la diaspora à Harvard où je me suis prononcée sur le rôle que les citoyens africains de la diaspora devaient jouer en Afrique. Il m’arrive de me déplacer dans des pays anglophones pour m’adresser à la diaspora, comme au Niger pour parler aux jeunes filles. Mon mentoring est vraiment destiné à cette cible. Parce que la jeunesse est confrontée aux mêmes enjeux : trouver un emploi, construire sa carrière, faire face aux incertitudes de l’avenir.

En tant que rôle-modèle pour la jeunesse, quels sont vos propres mentors ?
En tant qu’Africaine, j’ai très tôt été élevée par ma grand-mère. Je l’ai perdu récemment, mais elle a joué un rôle considérable pour moi. C’était une femme engagée pour l’éducation, malgré le fait qu’elle n’ait pas eu la chance d’aller à l’école. Elle accompagnait ma mère à l’école, elle a élevé seule ses six enfants… Elle a été la première à me sensibiliser à l’importance de l’éducation, de la formation, et à me pousser d’excellence. J’ai compris grâce à elle la chance que j’avais de pouvoir aller à école.
Mon deuxième rôle-modèle est bien sûr ma mère, qui a eu la chance d’aller à l’école, et qui a perpétué les valeurs transmises par ma grand-mère. Elle m’a montré que l’on pouvait être forte à la maison et forte au travail, que l’on pouvait mener une carrière sans négliger son foyer.

Peut-on dire que vous avez grandi avec des valeurs féministes ?
J’ai une vision spéciale de ce qu’est le féminisme. J’estime que les termes liberté et égalité sont des mots assez utopiques. Homme ou femme, personne n’est libre parce qu’on est tous liés à des engagements et des réalités sociales qui prouvent que l’on ne peut pas être émancipé.e.s à 100%. Le leadership se conquiert, il ne s’offre pas !
Vous êtes directrice générale d’un magazine politique. Qu’est-ce qui vous a convaincu à vous faire une place dans un secteur non seulement en crise, mais aussi très masculin ?
Quand j’ai commencé, on m’a clairement fait comprendre que je perdais la tête et que je n’avais rien à faire dans ce milieu. Mais je n’ai jamais vu le genre dans cette aventure. Lorsqu’on lance un projet, on le fait parce qu’on a une vision et des convictions. Je n’ai jamais accepté que le fait d’être une femme puisse être une barrière. Au contraire, c’était stimulant d’être une femme, jeune, dans un milieu très masculin.
Une de mes premières actions au sein du magazine a d’ailleurs été de valoriser le leadership au féminin au Sénégal. Je ne sentais pas une valorisation suffisante de la femme. Au Sénégal, il y a des trophées dédiés comme « Les hommes de l’année ». Il n’était pas normal selon moi qu’après 50 ans d’indépendance, le pays ne soit pas en mesure de célébrer les femmes à leur juste valeur.
Raison pour laquelle j’ai créé dans le cadre du cinquantenaire de l’indépendance, la cérémonie « 50 Femmes Sénégalaises Leaders d’Exception » incluant des femmes de tout secteur et de toutes générations. On a eu le soutien de l’ancien président Abdoulaye Wade, qui a trouvé l’ambition très noble. Les Sénégalais et les Africains en général – on a reçu des appels de partout – se sont approprié l’événement et nombre d’entre eux ont souhaité créer une formule similaire dans leur pays. Cet engouement a confirmé qu’il ne fallait pas se laisser guider par des a priori, et qu’il fallait oser.

En parlant d’audace, vous avez osé interviewer des leaders spirituels et politiques, parmi eux le Dalaï-lama…
Rencontrer le Dalaï-lama était formidable pour mon entretien, mais aussi à titre personnel. Cette rencontre a changé beaucoup de choses dans ma façon de percevoir le monde et les gens. Et cela m’a permis d’être plus forte dans ma carrière.

Comment parvenez-vous à mener toutes ces activités de front ? Vous continuez à piloter le magazine ?
Moins qu’au départ. A l’origine, je ne savais même pas comment monter un journal. Le premier exemplaire, je l’ai entièrement écrit seule : 50 pages sur Word ! Et je me suis rendue à l’imprimerie. Les premiers mois ont été très difficiles, je travaillais pratiquement seule, et marqués par beaucoup de nuits blanches et de sacrifices. Je n’avais pas de vie sociale. Je gérais le journal et l’agence de communication, à l’origine spécialisée dans le conseil, à la fois.
Petit à petit, j’ai développé et fédéré les activités au sein d’un même groupe de presse. Nous avons aussi la plateforme Intelligences citoyenne qui nous permet d’organiser chaque année depuis cinq ans, la Grande rentrée citoyenne : une action visant à promouvoir le leadership auprès des jeunes, réunissant 2000 personnes.

Qu’avez-vous justement envie de dire à la jeunesse, aux jeunes femmes ?
De croire en leur potentiel et en elles afin qu’elles voient l’avenir, non pas dans une perspective de contemplation, mais de construction. C’est pourquoi je m’attèle à échanger avec elles.

Source: intothechic.com

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