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LA CHANTEUSE INNA MODJA : « LE CLITORIS EST ULTRA TABOU »

Militante, féministe, excisée et réparée, l’artiste Inna Modja, travaille avec l’Onu, pour défendre les droits des femmes.
Militante féministe depuis 15 ans, l’artiste franco-malienne Inna Modja est une des porte-drapeaux de la campagne de crowdfounding pour La maison des femmes à Saint-Denis (93). Un endroit exceptionnel où viennent chaque jour des femmes excisées, violées, mariées de force ou battues…Depuis sa création en 2016, sur le site du CHU Delafontaine, les professionnels, sages-femmes, psychologues, médecins ou chirurgiens ont assuré 11 000 consultations en un an. Un énorme succès, mais la capacité d’accueil est devenue insuffisante. Pour financer une partie de son projet d’extension, l’établissement a lancé une campagne participative sur la plateforme « GoFundMe », à hauteur de 30 000 euros. Inna Modja prend la parole, à l’occasion de la journée mondiale contre la violence à l’égard des femmes.

Pourquoi cet engagement pour La Maison des femmes ?

J’ai été excisée au Mali contre l’avis de mes parents. Ma mère m’avait laissé quelques jours à ma famille. A son retour, catastrophe ma grande-tante m’avait emmenée… J’avais 4 et demi. A l’adolescence, je savais qu’on avait coupé mon clitoris, mais je pensais que ça ne se voyait pas… A mon arrivée en France à l’âge de 19 ans, j’ai compris chez le gynécologue que c’était visible. Un choc terrible pour moi. Dès lors j’étais obsédée par mon apparence, tirée à quatre épingles, même pour aller à la boulangerie, je ne voulais qu’on puisse soupçonner quelque chose. Ça m’a bouffée pendant des mois. Enfin j’ai rencontré le professeur Pierre Foldes, qui a fait de la réparation des femmes excisées son combat. Et je me demandais souvent pourquoi un homme blanc et occidental redonnait leur dignité aux femmes ? Sachant ce sont souvent leurs propres proches qui les ont amputées… Pour moi, c’est un saint et son opération a changé ma vie. Aujourd’hui, je veux aider à mon tour. C’est pour cette raison que je suis militante féministe depuis 15 ans.
Vous n’avez aucun problème à parler de sexe ?

Ce n’est jamais confortable, parce qu’il s’agit de mon histoire très intime. Mais si la sexualité est taboue dans le monde entier, le clitoris l’est encore plus. C’est précisément ce tabou qu’on essaie de casser. 200 millions de femmes sont excisées dans le monde et pas seulement en Afrique. Avec le temps je me suis aperçue que les violences faites aux femmes dépassaient le problème de l’excision, et qu’elles touchaiten au viol, à la maltraitance, à l’inceste… A La maison de femmes, on organise des groupes de parole avec des spécialistes. Et moi, je peux dire : « j’ai vécu la même chose. Je suis une survivante ». Il faut pouvoir orienter, soigner et laisser parler les minorités.

Qu’est-ce qui vous donne cette force ?

Je vivais au Mali avec mes parents, dans un milieu choyé. On était 10 enfants à la maison. Quand je suis arrivée en France pour faire mes études, j’étais seule, sans sécurité. Alors tous les jours, je me le répète « je suis forte ». C’est important d’avoir une représentation. Ma tignasse afro et mon look atypique, ce n’est pas que pour moi. Je ne compte pas le nombre de gens qui me disent : « Hey tu fais du disco ? » Porter ses cheveux sans les lisser c’est se réapproprier une identité et une esthétique. Il y a une vraie éducation à faire sur les standards de notre société. Il va falloir se mettre d’accord sur le fait qu’on est des milliards sur terre et qu’il faut accepter que chacun apporte sa pierre. Mais quand on est une femme et noire de surcroît, on fait partie d’une double minorité. Défendre ses droits, c’est un travail au quotidien.

Avec leparisien.fr

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